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L’hégémonie économique reste la principale priorité des Etats-Unis

22 June, 2021
hégémonie économique

Dans un monde post-Covid où la Chine s’est relevée extrêmement rapidement, les derniers développements suggèrent que la principale priorité des Etats-Unis est de maintenir leur hégémonie économique le plus longtemps possible. Cette ambition a poussé les membres du Congrès américain à voter trois plans de relance en l’espace de moins de douze mois. L’objectif n’est pas simplement de retrouver le niveau d’activité d’avant crise mais bien de renouer avec la tendance de croissance observée pré-Covid. En parallèle, l’administration Biden a revu complètement sa stratégie en matière de politique étrangère. Le but est de renouer des relations fortes avec des partenaires commerciaux de premiers plans comme l’Europe dans le but de créer une alliance visant à limiter les ambitions de la Chine tant sur un plan économique que géopolitique.


I- Vers un retour sur la trajectoire de croissance pré-Covid dès le T1 2022

Face au choc économique provoqué par la pandémie de Covid-19, les autorités américaines ont fait le choix de répondre sur un plan monétaire avec une augmentation rapide des achats d’actifs de la Réserve fédérale, mais surtout sur le plan fiscal avec une politique ultra expansionniste. En l’espace de moins de douze mois, le Congrès a validé trois plans de relance pour une somme totale de près de cinq trillions de dollars, soit près de 25% du PIB nominal comme le souligne une étude du FMI. Dans ce contexte, en rythme trimestriel annualisé, la croissance américaine a rebondi très fortement au T3 2020 (+33,4%) et a poursuivi sa progression au T4 2020 (+4,3%) et au T1 2021 (+6,4%). Le dernier stimulus fiscal voté en mars (~1,9 trillion de dollars) devrait logiquement se traduire par une accélération de la dynamique au T2 2021 (+10% attendu) et des rythmes de croissance encore soutenus au moins jusqu’au T1 2022 (+7% au T3 2021, +4,9% au T4 2021 et +3,5% au T1 2022 selon le consensus Bloomberg).

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L’économie américaine devrait bénéficier d’un assouplissement quasi-total des mesures de restrictions sanitaires d’ici la mi-juillet alors que de nouveaux chèques aux familles ayant au moins un enfant sont attendus à la même période. En parallèle, un probable rebond de la mobilité internationale (grâce au passeport vaccinal) et l’épargne forcée accumulée depuis mars 2020 (potentiellement 15%/20% de l’épargne excédentaire[1]) devraient soutenir l’activité. Ainsi, l’économie américaine est censée retrouver son niveau de PIB réel d’avant crise d’ici le T2 2021 et sa trajectoire de croissance pré-Covid d’ici le T1 2022.

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De même, malgré les craintes d’une envolée des tensions inflationnistes (qui apparaissent secondaires pour les autorités américaines), de nouvelles mesures devraient rapidement voir le jour. En premier lieu, il convient de noter que l’« Innovation and Competition Act », censé mobiliser 250Md$ sur une période de cinq ans (2022[2]-2026), pourrait être validé d’ici quelques semaines. Enfin, un nouveau plan de dépenses dédié aux infrastructures (d’au moins 1 trillion de dollars) reste une des priorités de l’administration Biden et pourrait voir le jour d’ici la fin septembre/début octobre. Ce dernier pourrait s’étaler sur une durée de huit ans avec une concentration des dépenses sur les cinq premières années.

II- Vers une alliance internationale ayant pour but de juguler les ambitions chinoises

Comme il s’y était engagé lors de sa compagne, Joe Biden souhaite abandonner la confrontation unilatérale menée par Donald Trump contre la Chine. La stratégie de l’administration Biden est clairement de renouer des relations fortes avec des partenaires commerciaux de premiers rangs comme l’Europe dans le but de constituer une alliance visant à limiter les ambitions chinoises.

A ce titre, les derniers développements entre les Etats-Unis et l’Europe constituent clairement un cas de référence. L’administration Biden a multiplié les compromis et mains tendues en direction de l’Europe dans des domaines multiples et variés. Pour commencer, les deux parties ont accepté de suspendre pendant cinq ans les droits de douane punitifs qu’ils s’infligeaient dans le cadre du conflit opposant Airbus et Boeing. Une trêve partielle concernant les droits de douane sur les métaux a également été instaurée jusqu’à la fin de l’année.

En parallèle, l’idée de sanctions liées à la mise en route du pipeline Nord Stream 2 a été écartée par l’administration Biden. De même, les autorités américaines souhaitent trouver une solution afin de renouer l’accord sur le nucléaire iranien (qui serait profitable à la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni).

Sur le plan fiscal, les Etats-Unis semblent œuvrés pour à un accord international sur la taxation des géants du numérique. Enfin, sur le plan climatique, à quelques mois de la Cop26 de Glasgow, les États-Unis ont fait de la lutte contre le réchauffement climatique un axe de développement majeur, en ligne avec les ambitions européennes.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’Europe ait choisi de mettre en pause son accord sur les investissements avec la Chine. Dans le même temps, les dirigeants européens ont soutenu, lors du G7, un plan mondial sur les infrastructures afin d’aider les pays défavorisés et de concurrencer les « nouvelles routes de la soie » mises en place par Pékin.

En conclusion, il apparait que l’hégémonie économique reste la principale priorité des Etats-Unis, ce qui aura des implications significatives. Tout d’abord, il est fort probable que le risque lié aux tensions inflationnistes passe au second plan. En d’autres termes, les autorités américaines n’hésiteront pas à dépenser à nouveau malgré les cinq trillions de dollars mis sur la table en moins de douze mois. En parallèle, les relations entre la Chine et les pays qui soutiendront les initiatives américaines se dégraderont, alimentant davantage les tensions entre les Etats-Unis et la Chine. A titre d’exemple, on peut imaginer que si la commission européenne donnait son feu vert pour un accord d’investissement entre l’UE et Taiwan, la Chine le prendrait comme un affront. 


[1] En avril, l’excès d’épargne (accumulé depuis mars 2020) a atteint 2,330 trillion de dollars (>10% du PIB nominal).

[2] L’année fiscale 2022 débute le 1er octobre 2021.